Pas d’indemnité d’expropriation pour le propriétaire d’une construction édifiée illégalement

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Dans le cadre de l’aménagement d’une ZAC, une parcelle sur laquelle est édifié illégalement un bâtiment de 20 m2 est expropriée. Le propriétaire soutenant que la prescription décennale de l’action en démolition est acquise, la cour d’appel de Paris considère qu’il existe une « contestation sérieuse sur le fond du droit » et fixe des indemnités alternatives (C. expr. art. L 311-8) :

  • 5 486 € si le caractère illégal de la construction est judiciairement reconnu ;
  • 82 796 € si ce caractère illégal n’est pas reconnu.

L’expropriant conteste : l’éventuelle prescription de l’infraction pénale « ne pouvait avoir pour effet de transformer une construction illégale en un droit juridiquement protégé ».

La Cour de cassation ne peut qu’approuver : faute pour son propriétaire de pouvoir invoquer un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la dépossession d’une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible n’ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation.

« L’intérêt d’une bonne administration de la justice » justifiant que la Cour de cassation statue au fond, l’indemnité d’expropriation est définitivement fixée à 5 486 € par référence à la valeur du seul terrain nu.

à noter : La décision est sans surprise. Il s’agit d’une nouvelle illustration d’un principe déjà posé plusieurs fois par la Cour de cassation. Seul le dommage subi par le titulaire d’un intérêt juridiquement protégé peut être indemnisé à la suite d’une expropriation, et non des atteintes portées à des situations illicites ou précaires. Il a, par exemple, été jugé que la perte d’accès à un lac, qui se faisait par un ponton édifié sans autorisation sur le domaine public (Cass. 3e civ. 26-3-1997 no 95-70.264 F-D), ou à une place de stationnement interdite dans une copropriété (Cass. 3e civ. 18-3-2021 no 20-13.562 : BPIM 3/21 inf. 179) ne peut donner lieu à indemnisation. De même, le propriétaire qui loue des chambres ne répondant pas aux critères du logement décent ne peut se prévaloir d’un droit juridiquement protégé à l’indemnisation de la perte de revenus locatifs (Cass. 3e civ. 11-1-2023 no 21-23.792 FS-B : BPIM 1/23 inf. 22). Rappelons enfin que la Cour de cassation a récemment jugé, en matière de droit de délaissement, que la prescription de l’action en démolition des constructions irrégulières ne fait pas obstacle à l’application, par le juge de l’expropriation, d’un abattement sur la valeur du terrain délaissé, pour illicéité d’une partie des constructions qui y sont édifiées (Cass. 3e civ. 9-11-2023 no 22-18.545 FS-B : BPIM 6/23 inf. 364).

 

Cass. 3e civ. 15-2-2024 n° 22-16.460 FS-B, SEM du Val d’Orge

© Lefebvre Dalloz 2024

Publié il y a 1 an
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