L’objet social d’un GFA visant la gestion d’un immeuble exclut...

Sponsorisé

Le gérant d’un groupement foncier agricole (GFA) conclut avec un tiers une promesse de vente portant sur un terrain appartenant au groupement. La promesse est ensuite notifiée par un notaire à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) afin qu’elle puisse exercer son droit de préemption. Un associé du GFA demande l’annulation de la promesse de vente et de la décision de la Safer de préempter le terrain.

La Cour de cassation juge que la vente doit être annulée faute d’entrer dans l’objet du GFA dès lors que les actes de gestion et d’administration excluent les actes de disposition et que l’objet social n’envisageait pas la vente d’immeuble. Une telle décision ne pouvait donc être prise qu’à l’unanimité des associés.

La Haute Juridiction annule également la décision de préemption prise par la Safer. Si le notaire agit sans y être invité par le propriétaire du bien vendu ou sur le fondement d’un consentement à la vente qui n’a pas été valablement exprimé, la Safer peut invoquer la théorie du mandat apparent pour faire déclarer la préemption régulière mais il faut que son erreur soit légitime. Or la Cour de cassation juge que tel n’était pas le cas en l’espèce dès lors que, d’une part, la Safer ignorait l’identité du gérant du GFA, information indispensable pour asseoir la croyance légitime que le notaire disposait du pouvoir de représenter le GFA et, d’autre part, aucune copie de la délibération du GFA autorisant la vente ne lui avait été remise par le notaire.

à noter : 1. Les GFA sont des sociétés civiles particulières régies notamment par certaines dispositions applicables aux sociétés civiles de droit commun, dont l’article 1849 du Code civil, selon lequel la société est engagée à l’égard des tiers par les actes de son gérant qui entrent dans l’objet social. La solution retenue dans la présente décision semble reposer sur la distinction classique en droit entre les actes de gestion et les actes de disposition.
Lorsque l’objet social fait référence à la « propriété » d’immeubles, le doute est permis : une majorité d’arrêts refusent d’inclure la vente d’immeubles dans l’objet social à défaut d’y être expressément mentionnée (Cass. 3e civ. 31-3-1999 no 97-12.921 D : RJDA 6/99 no 674 ; Cass. 3e civ. 29-1-2014 no 12-26.962 FS-D : RJDA 5/14 no 451 ; Cass. 3e civ. 23-11-2023 no 22-17.475 FS-D : BRDA 3/24 inf. 5), alors que certaines décisions l’admettent au motif que le droit de disposer d’un bien figure parmi les attributs du droit de propriété énumérés à l’article 544 du Code civil (Cass. 3e civ. 18-12-2001 no 00-16.530 F-D : RJDA 4/04 no 436 ; Cass. 3e civ. 11-5-2022 no 21-15.387 FS-D : RJDA 2/23 no 94).2. Selon la théorie du mandat apparent, une société peut être engagée par toute personne, même non habilitée régulièrement, si les tiers avec qui cette personne a traité ont légitimement cru que celle-ci disposait des pouvoirs nécessaires (C. civ. art. 1156, al. 1 ; Cass. com. 7-1-1992 no 89-21.605 P : RJDA 3/92 no 229 ; Cass. com. 6-11-2012 no 11-23.424 F-D : RJDA 2/13 no 113). Mais il faut que les circonstances, auxquelles le mandant ne doit pas être totalement étranger, autorisent les tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs (Cass. com. 9-3-1999 no 96-13.782 D : RJDA 4/99 no 464 ; Cass. com. 29-6-2022 no 20-16.035 F-D : RJDA 11/22 no 632).
De telles circonstances peuvent résulter de la profession du mandataire apparent. Ainsi, il est d’usage de ne pas vérifier les pouvoirs de mandataire d’un notaire en raison de l’autorité et de l’honorabilité qui s’attachent à ses fonctions (Cass. civ. 2-10-1974 : JCP G 1976 II no 18247). Il a en outre été jugé que le notaire qui notifie un projet de vente à une Safer n’est pas tenu de joindre l’avant-contrat de vente, un mandat exprès d’instrumenter ou la signature du vendeur dès lors qu’il est investi d’une mission légale (Cass. 3e civ. 4-10-2000 no 99-11.268 : Bull. civ. II no 131). Il appartient à celui qui conteste au notaire la qualité de mandataire apparent de démontrer que la Safer ne pouvait pas légitimement croire qu’il disposait du pouvoir d’engager le vendeur (Cass. 3e civ. 15-12-2004 no 03-12.007 FP-PB : RJDA 6/05 no 678). Tel est le cas de la notification d’une vente d’un bien appartenant à des époux dont il ressort clairement une absence de consentement de l’un des conjoints (Cass. 3e civ. 13-5-2009 no 08-16.720 : Bull. civ. III no 110).
La troisième chambre civile de la Cour de cassation écarte ici l’existence d’un mandat apparent faute pour le notaire d’avoir porté à la connaissance de la Safer certaines informations relatives à la personne morale, en écartant les arguments de la Safer qui soulignait que ces informations ne figuraient pourtant pas parmi celles devant être mentionnées dans la notification (C. rur. ex-art. R 143-4, applicable aux faits de l’espèce).

 

Cass. 3e civ. 8-2-2024 n° 22-18.015 F-D, Safer Occitanie

© Lefebvre Dalloz 2024

Publié il y a 1 an
Sponsorisé

Restez informé des nouvelles actualités du notariat !

Restez informé des dernières actualités et événements incontournables du monde du notariat. Inscrivez-vous dès maintenant et soyez alerté dès qu’un nouvel événement est ajouté sur notre plateforme. Ne laissez pas passer une opportunité précieuse !

Ces actualités vont vous plaire