Les contours du cahier des charges du lotissement

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1. La notion de cahier des charges du lotissement s’applique naturellement dans les périmètres établis des lotissements, que ceux-ci soient récents ou très anciens. En effet, le lotissement est – une fois n’est pas coutume – une spécificité française qui consiste à fractionner le sol pour pouvoir y bâtir des immeubles, dans un cadre juridique réglementé.

2. À l’origine, les divisions du sol relevaient d’opérations strictement patrimoniales, donc entrant dans le champ du droit privé, hors contrôle administratif. Cette division du sol est une composante particulière – et très appréciée – du droit de disposer (« abusus ») attaché au droit de propriété, ce fameux « droit artichaut » (expression utilisée par les professeurs Louis Favoreu et François Luchaire), au sens de l’article 544 du Code civil.

3. Mais, depuis les grandes réformes du droit de l’urbanisme intervenues tout au long du xxe siècle, le contrôle administratif s’est largement développé et, désormais, la liberté de diviser est l’exception, et le contrôle des divisions est la règle. Ce contrôle se fait notamment, d’une part, par l’intermédiaire d’un régime binaire d’autorisations d’urbanisme (permis d’aménager ou décision de non-opposition à déclaration préalable de division) et, d’autre part, par un régime de commercialisation des lots à bâtir doté d’une grande sécurité juridique, avec de nombreuses dispositions d’ordre public.

4. Cette prépondérance du contrôle administratif ne doit pas faire oublier que les lotissements demeurent encore des opérations patrimoniales et d’aménagement extrêmement importantes, dans lesquelles des règles particulières s’imposent. Ces règles particulières, et parfois même singulières, se retrouvent dans des « documents du lotissement » et, notamment, dans les cahiers des charges de lotissement.

La notion de « document du lotissement »

5. La jurisprudence, de même que la doctrine autorisée, a pu déterminer différentes catégories de documents du lotissement.

6. En premier lieu, il peut s’agir d’un document strictement réglementaire, dont l’objectif est d’apporter des compléments aux règles d’urbanisme en vigueur sur le territoire d’une commune, et issues d’un document d’urbanisme, tel un plan d’occupation des sols (POS) ou un plan local d’urbanisme (PLU).

À ce titre, l’article R 442-6 du Code de l’urbanisme dispose que le règlement du lotissement (qui n’est pas, comme nous le verrons en détail ultérieurement, un cahier des charges du lotissement, mais qui peut se « confondre » avec lui) a pour objectif « d’apporter des compléments aux règles d’urbanisme en vigueur ».

7. En deuxième lieu, le document du lotissement peut constituer un document contractuel : c’est ce que l’on appelle communément le « cahier des charges du lotissement ». Il s’agit d’un document seulement contractuel régissant les rapports entre colotis, à l’instar d’un règlement de copropriété applicable entre différents copropriétaires.

8. En troisième et dernier lieu, le document du lotissement peut être un document « binaire » , d’une double nature contractuelle et réglementaire, cela pouvant être rendu difficile d’application si des dénominations hybrides sont utilisées (telles que, par exemple, « cahier des charges du règlement du lotissement », ou « règlement intérieur du lotissement »). Nous noterons d’ailleurs que ce régime « hybride » s’apparente à celui du cahier des charges de cession de terrain (« CCCT ») défini à l’article L 311-6 du Code de l’urbanisme et censé régir les cessions ou concessions de terrains à l’intérieur des zones d’aménagement concertées (ZAC).

9. Naturellement, eu égard à ces catégories, la question principale qui se pose aux praticiens consiste à déterminer la portée juridique exacte de chaque document du lotissement.
Ici encore, la jurisprudence nous éclaire. En effet, il a été jugé que les cahiers des charges approuvés antérieurs à 1978 ont une double portée, à la fois contractuelle et réglementaire, dans la mesure où toutes leurs clauses sont opposables tant aux colotis qu’à l’administration (Cass. 3e civ. 18-12-1991 no 89-21.046 : Bull. civ. III no 328 ; CE 10-2-1992 no 91967).
Quant aux cahiers des charges non approuvés par l’administration, ils sont en principe opposables aux seuls colotis entre eux (CE 23-11-1994 no 135215). Dans ce cas, et assez logiquement, les règles qui y sont contenues sont quand même susceptibles de produire des effets sur les autorisations d’urbanisme, dans la mesure où ces dernières sont toujours délivrées réserve faite des droits des tiers : les colotis peuvent agir devant le juge judiciaire pour obtenir la démolition des ouvrages qui auraient été construits en violation des clauses d’un cahier des charges non approuvé (Cass. 3e civ. 27-3-1991 no 89-19.667 : Bull. civ. III no 106).

Les droits et obligations des colotis contenus dans le cahier des charges

10. Le cahier des charges est un outil d’autant plus contraignant qu’il prime sur les stipulations contraires des actes de vente, la Cour de cassation imposant en principe le cahier des charges aux stipulations d’un acte (Cass. 3e civ. 17-6-2009 no 06-19.347 FS-B : BPIM 5/09 inf. 348).

Mais pour cela, encore faut-il que ce cahier des charges soit véritablement opposable, ce qui impose que le document constituant le cahier des charges ait fait l’objet d’une publicité foncière, et qu’il soit établi que le coloti a eu connaissance de ses stipulations (Cass. 3e civ. 7-10-2014 no 13-21.475).

La force contractuelle d’un cahier des charges de lotissement

11. Il est encore à ce jour difficile de minimiser la portée d’un cahier des charges du lotissement dans la mesure où la Cour de cassation – y compris après l’adoption de la loi Alur en mars 2014 – refuse de distinguer, au sein des « documents du lotissement » entre les règles d’urbanisme qui peuvent être frappées de caducité et les règles ayant un autre objet et pouvant rester en vigueur entre les colotis. Pour le juge judiciaire, la distinction n’est pas fondamentale car l’ensemble du cahier des charges reste un contrat, non affecté par la caducité administrative du lotissement aux termes de l’article L 442-9 du Code de l’urbanisme. La jurisprudence est qualifiée de « constante » sur ce point essentiel (Cass. 3e civ. 22-5-1996 no 93-19.462 : Bull. civ. III no 118 ; Cass. 3e civ. 21-1-2016 no 15-10.566 FS-PB : BPIM 2/16 inf. 92 ; Cass. 3e civ. 13-10-2016 no 15-23.674 F-D ; Cass. 3e civ. 14-9-2017 no 16-21.329 F-D ; Cass. 3e civ. 21-3-2019 no 18-11.424 FS-PBI : BPIM 2/19 inf. 100 ; CE avis 24-7-2019 no 430362 : BPIM 5/19 inf. 323).

Les tempéraments envisageables sur la contractualisation des règles d’urbanisme

12. Force est de constater que certains tempéraments existent quand même face à cette puissance contractuelle. Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que l’on ne peut pas considérer la simple reproduction d’un règlement de lotissement dans un acte notarié comme entraînant sa contractualisation (Cass. 3e civ. 15-12-1999 no 97-20.503 : Bull. civ. III no 247).

13. Réciproquement, s’il demeure possible pour les colotis – à tout moment dans la vie d’un lotissement – de contractualiser une règle d’urbanisme, c’est à la condition que la volonté de contractualiser soit clairement et expressément affirmée (Cass. 3e civ. 26-6-2002 no 00-20.482). Et dans la même veine, l’article L 115-1 du Code de l’urbanisme interdit toute contractualisation « fortuite » d’une règle d’urbanisme, puisque ce texte dispose : « La seule reproduction ou mention d’un document d’urbanisme ou d’un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel. »

14. Compte tenu de ces nombreuses contraintes, le législateur a souhaité harmoniser les règles, en mettant en place des procédures de caducité (C. urb. art. L 442-9), de modification (C. urb. art. L 442-10) et de mise en concordance (C. urb. art. L 442-11) des documents du lotissement.

Les procédures législatives mises en place

La caducité des documents du lotissement

15. Il est ici essentiel de citer in extenso l’article L 442-9 du Code de l’urbanisme puisque les alinéas de ces dispositions sont complémentaires et cumulatifs : « Les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de 10 années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu.

De même, lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu, dès l’entrée en vigueur de la loi 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l’article L 115-6. »

16. En particulier, le troisième alinéa est – en tout cas selon nous – le plus important puisqu’il rappelle cette puissance contractuelle des documents des lotissements ayant une valeur contractuelle avérée. Ainsi, l’article L 442-9 n’a qu’une vocation « réglementaire » puisque son troisième alinéa rappelle, en tout état de cause, que « les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement » ne sont pas remis en cause.

17. En définitive, il ne faut donc constater ici que la caducité des règles d’urbanisme des documents du lotissement, sous les diverses conditions suivantes :

  • le périmètre du lotissement doit être couvert par un document d’urbanisme (POS, PLU ou PLUi) ;
  • le lotissement doit avoir été autorisé depuis au moins 10 ans ;
  • une fois intervenue du fait de l’approbation d’un document d’urbanisme, la caducité des règles d’urbanisme ne peut pas être remise en cause par l’annulation contentieuse de la délibération approuvant le PLU (CE 24-5-2006 no 278688, Cne d’Antibes Juan-les-Pins : BPIM 5/06 inf. 354).

18. Sous ces conditions et en application de cette procédure de « caducité », le règlement d’urbanisme et le cahier des charges approuvés cessent d’être opposables à toute demande d’autorisation d’urbanisme, et seules s’appliqueront les règles du document local d’urbanisme dans le cadre de l’instruction d’un permis de construire (ou d’une déclaration préalable de travaux), mais sans que cela n’écarte pour autant les risques que les colotis fassent valoir – du point de vue contractuel – les règles opposables entre eux.

19. Nous noterons enfin que cette caducité demeure inapplicable aux « lotissements-jardins », ou aux lotissements antérieurs à la loi du 19 juin 1924, aucun document des lotissements n’étant alors approuvé par l’autorité administrative, conformément au dernier alinéa de l’article L 442-9.

20. Mais cette caducité des règles d’urbanisme – par le jeu de l’article L 442-9 du Code de l’urbanisme – ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente (en général, la mairie) utilise les articles L 442-10 et L 442-11 du Code de l’urbanisme pour modifier un cahier des charges contenant des règles d’urbanisme (CAA Nantes 23-4-2024 no 22NT02384).

La modification et la mise en concordance des documents du lotissement

21. Les deux autres procédures de modification et de mise en concordance sont, à l’image de la procédure de caducité, des procédures strictement réglementaires.

22. S’agissant de la modification des documents du lotissement (C. urb. art. L 442-10), le législateur a introduit un mécanisme de double majorité des colotis sur la base de laquelle l’administration peut prononcer (c’est bien potestatif) soit à la demande d’un ou plusieurs colotis, soit de sa propre initiative, la modification des documents du lotissement, à condition que cette modification soit compatible avec la réglementation d’urbanisme.

Cette modification requiert l’accord soit de la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement, soit les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie.

23. Récemment, la cour administrative d’appel de Nantes a rendu un arrêt éclairant en la matière (CAA Nantes 23-4-2024 no 22NT02384). La cour confirme que cette procédure de modification doit être considérée « comme une décision intervenue en matière d’urbanisme », ce qui confirme l’opposabilité seulement réglementaire de ces dispositions.

Mais, surtout, les juges d’appel ont confirmé que l’article L 442-10 ne permet pas de modifier les clauses contractuelles d’un cahier des charges du lotissement, ou les clauses éventuellement contractualisées d’un règlement de lotissement, cela en faisant référence à la jurisprudence constitutionnelle : « Par sa décision 2018-740 QPC du 19 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article L 442-10 du Code de l’urbanisme, compte tenu de leur objet, autorisent uniquement la modification des clauses des cahiers des charges, approuvés ou non, qui contiennent des règles d’urbanisme mais ne permettent pas de modifier des clauses étrangères à cet objet, intéressant les seuls colotis. Il y a lieu, pour l’application de l’article L 442-9 du même Code, de retenir, de la même façon, que ses dispositions prévoient la caducité des seules clauses des cahiers des charges, approuvés ou non, qui contiennent des règles d’urbanisme. »

24. Les règles de nature contractuelle, qui sont étrangères aux règles d’urbanisme et qui intéressent les seuls colotis (comme, par exemple, l’obligation de clôturer de manière immédiate son terrain, l’obligation de se clore sur les voies du lotissement dans un délai de 6 mois à compter de l’acte de vente, ou l’obligation d’annexer à l’acte de vente un extrait de plan indiquant l’implantation des constructions) ne peuvent pas être modifiées par le maire de la commune, qui viendrait entacher sa décision administrative d’illégalité en intervenant sur ces règles contractuelles.
Par conséquent, les règles non réglementaires (donc contractuelles) ne peuvent être modifiées que par les colotis selon les règles de majorité fixées par le cahier des charges ou, dans le silence du cahier des charges, à l’unanimité (Cass. 3e civ. 12-7-2018 no 17-21.081 FS-PBI : BPIM 5/18 inf. 335, pour la modification d’une clause relative à la hauteur des haies d’un lotissement), ce principe s’appuyant sur les dispositions de l’article 1193 du Code civil, lequel dispose « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ».

25. Il en est de même pour la procédure de mise en concordance des documents du lotissement (C. urb. art. L 442-11), ayant vocation à harmoniser les règles avec les documents d’urbanisme, mais sans pour autant être applicable aux stipulations de droit privé.

Les sanctions et l’application du principe de proportionnalité

Les sanctions des ouvrages méconnaissant les stipulations d’un cahier des charges

26. La difficulté principale du sujet réside dans les sanctions affectant les constructions méconnaissant les règles d’un cahier des charges du lotissement. En principe, ces sanctions sont lourdes puisqu’elles peuvent porter sur un risque de démolition ou de remise en état, une clause du cahier des charges pouvant elle-même prévoir ce type de sanction.

Par exemple :

« Tout manquement aux clauses impératives qui précèdent (articles 32 à 47) engagera la responsabilité personnelle du propriétaire intéressé, sans engager celle de l’association syndicale. Le propriétaire contrevenant pourra être recherché en responsabilité et en réparation, à titre personnel, par tout propriétaire ou au titre de l’association syndicale, si le conseil syndical le décide ou encore par tout tiers y ayant intérêt. Dans ce cas, une mise en demeure préalable serait adressée au propriétaire contrevenant sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception ; elle ouvrira un délai de mise en règle. »

27. L’action judiciaire d’un coloti peut être réalisée y compris en référé (CA Rennes 12-12-2023 no 23/01471) : « Le cahier des charges d’un lotissement constitue le titre commun des parties et autorise le coloti, en cas d’infraction commise par un autre coloti, à requérir en référé le respect de ce titre contractuel et à exiger la destruction de ce qui a été réalisé en contravention et qui constitue un trouble manifestement illicite. Les stipulations d’un cahier des charges ont toujours, entre colotis, un caractère contractuel et leur violation doit être sanctionnée même en l’absence de préjudice. »

La prescription applicable en matière de méconnaissance du cahier des charges du lotissement

28. Compte tenu des risques importants de sanction, quelle est donc la prescription applicable aux méconnaissances, par des constructions, des stipulations contractuelles des documents du lotissement ?

29. Les juges du fond ont voulu faire preuve de pragmatisme – et de réalisme – en considérant qu’une prescription quinquennale est applicable dans la mesure où les stipulations constituent des droits personnels conclus entre chaque coloti (voir en ce sens CA Versailles 6-10-2017 no 15/06015 ; CA Bordeaux 22-11-2018 no 16/0037). Ces deux cours d’appel considèrent que, depuis la loi du 17 juin 2008 de réforme de la prescription, « la prescription applicable en matière de violation des stipulations d’un règlement intérieur ou stipulations d’un cahier des charges de lotissement, qui était de 30 ans à compter de la réalisation de travaux, a ainsi été réduite à 5 ans par l’effet de cette loi » (CA Versailles 6-10-2017 no 15/06015).

30. Mais la Cour de cassation censure cette position et applique au contraire une prescription trentenaire en considérant que « l’action tendant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en violation d’une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d’une stipulation du cahier des charges d’un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire de l’article 2227 du Code civil » (Cass. 3e civ. 6-4-2022 no 21-13.891 FS-B : SNH 14/22 inf. 3 ; O. Bonneau, C. Morot-Monomy, Violation des cahiers des charges de lotissements et action en démolition : esprit, es-tu là ? : BPIM 6/22 inf. 392). C’est cette décision qu’il faut retenir en droit positif, même si cette qualification de « charge réelle » est encore sujette à débat.

Le principe de proportionnalité : un tempérament au risque de démolition

31. Pour limiter les risques de démolition, la Cour de cassation s’est tout récemment décidée à appliquer un principe de proportionnalité, reposant sur un principe simple : le juge doit refuser de prononcer une démolition en cas de disproportion de la mesure visant à faire cesser toute violation du cahier des charges.

Dans sa décision de principe (Cass. 3e civ. 13-7-2022 no 21-16.408 : BPIM 5/22 inf. 352), la Cour de cassation retient : « Ayant retenu qu’il était totalement disproportionné de demander la démolition d’un immeuble d’habitation collective dans l’unique but d’éviter aux propriétaires d’une villa le désagrément de ce voisinage, alors que l’immeuble avait été construit dans l’esprit du règlement du lotissement et n’occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande d’exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l’allocation de dommages-intérêts. »

32. La Cour de cassation a encore appliqué ce principe de proportionnalité récemment en refusant une demande de démolition au motif que « le dommage causé au voisinage n’était pas manifeste et qu’en particulier [les demandeurs] faisaient état d’un préjudice de perte de vue sans preuve concrète », cela en visant le droit communautaire, et notamment le respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et du citoyen (Cass. 3e civ. 21-12-2023 no 22-19.168 F-D ; dans le même sens : Cass. 3e civ. 23-11-2022 no 22-14.720 F-D).

33. Nous noterons que, dans le même temps, la Cour de cassation a refusé de faire application de ce principe de proportionnalité aux constructions empiétant sur la propriété d’autrui (Cass. 3e civ. 21-11-2023 no 22-15.340 F-D). Cela est bien le signe que le traitement réservé aux cahiers des charges du lotissement demeure toujours particulier.

© Lefebvre Dalloz 2024

Publié il y a 7 mois

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