Vente immobilière lésionnaire : comment calculer les intérêts sur le complément de prix ?

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Après avoir vendu en février 2007 un ensemble immobilier à usage commercial, de bureaux et d’habitation pour 300 000 €, le vendeur soutient que ce prix est lésionnaire (C. civ. art. 1674). En 2020, après intervention d’experts, une cour d’appel fixe à 1 964 550 €, le montant du supplément de prix dû par l’acquéreur, qui a décidé de garder le bien, auquel elle ajoute les intérêts au taux légal depuis la date de l’assignation adressée à l’acquéreur en octobre 2007. L’acquéreur conteste le montant des intérêts.

À raison, juge la Cour de cassation. Si l’acquéreur préfère garder le bien en fournissant le supplément du juste prix, il doit l’intérêt de ce supplément du jour de la demande (C. civ. art. 1682). Ce supplément étant une quotité de la valeur du bien, il suit jusqu’à son évaluation définitive les variations de valeur de ce bien (Cass. 3e civ. 3-5-1972 no 71-11.404 : Bull. civ. III no 284). Or la cour d’appel avait calculé les intérêts sans distinguer selon les variations de valeur de l’immeuble entre la date de fixation du prix et celle de l’introduction de l’action en rescision de la vente pour lésion.

à noter : Par exception au droit commun de la vente, le vendeur d’immeuble peut demander l’annulation (ou, plus exactement, la rescision) de la vente pour lésion si le prix convenu est inférieur aux cinq douzièmes de la valeur de l’immeuble au moment de la vente (C. civ. art. 1674). La fixation de cette valeur et de la lésion suppose l’intervention d’un collège d’experts (C. civ. art. 1678). L’acheteur dispose alors d’une option (C. civ. art. 1681) : soit l’annulation de la vente (il restitue l’immeuble et les fruits perçus, tandis que le vendeur lui rend le prix), soit garder l’immeuble et payer un supplément de prix, destiné à rétablir le juste prix, déduction faite d’un dixième du prix total (C. civ. art. 1681, al. 1 et 1682, al. 2). Ce supplément est déterminé à partir de la valeur de l’immeuble à la date de son versement (Cass. 3e civ. 22-1-1970 no 68-12.429 : Bull. civ. III no 57). Le montant du supplément est par ailleurs majoré de l’intérêt au taux légal dû sur celui-ci, depuis la date de la demande en rescision (C. civ. art. 1682, al. 1). Tant ce supplément que ses intérêts doivent être calculés au regard des variations successives de la valeur de l’immeuble, rappelle ici la Cour de cassation.
Mais pas plus que dans son arrêt de 1972, la Cour de cassation n’indique comment procéder. Une cour d’appel a considéré que, à défaut d’une progression constante et régulière de la fraction de l’immeuble impayé, il était impossible d’évaluer exactement le capital pour chacune des années écoulées entre la date de la demande en rescision et celle du règlement effectif du supplément du prix ; elle a donc retenu une formule prenant pour masse de calcul la moyenne du supplément du juste prix évalué, d’une part, à la date de la vente, et, d’autre part, à celle de son règlement (CA Orléans 14-6-1973 : D. 1974 p. 485, décision non remise en cause par la Cour de cassation, Cass. 1e civ. 21-1-1976 no 73-13.643 : Bull. civ. I no 29). Il faut en outre tenir compte de la capitalisation des intérêts échus (Cass. 1e civ. 21-1-1976 no 73-13.643 : Bull. civ. I no 29) qui produisent à leur tour des intérêts.

 

Cass. 3e civ. 1-2-2024 n° 22-11.297 F-D, Sté AZ Tours c/ Sté L’Immobilière européenne des mousquetaires

© Lefebvre Dalloz 2024

Publié il y a 1 an

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