Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, l’autorité compétente doit refuser le permis de construire ou d’aménager, ou s’opposer à la déclaration préalable, si elle n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (C. urb. art. L 111-11).
Cette disposition, qui peut être invoquée en l’absence de financement suffisant pour la réalisation des travaux, ne peut pas fonder un refus ou une opposition lorsque le pétitionnaire peut être mis à contribution au titre de l’article L 322-8 du Code de l’urbanisme. Selon cet article, une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel – notamment relative aux communications électroniques –, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d’équipements publics exceptionnels (C. urb. art. L 332-8).
En l’espèce, le maire d’une commune s’oppose à la déclaration préalable déposée par deux sociétés pour la réalisation d’une infrastructure de téléphonie mobile. Cette décision est prise sur le fondement de l’article L 111-11 du Code de l’urbanisme, au motif que le projet impliquera une extension du réseau électrique que la commune n’entend pas financer et dont le coût ne peut pas être mis à la charge du pétitionnaire. Les sociétés présentent un recours qui est rejeté par la cour administrative d’appel. Elle considère notamment que les requérantes ne peuvent pas être mises à contribution pour assurer le financement des travaux, dès lors que ceux-ci ne présentent pas une importance particulière permettant de regarder le projet comme impliquant la réalisation d’équipements publics exceptionnels au sens de l’article L 332-8 du Code de l’urbanisme.
Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État juge qu’en statuant ainsi, sans tenir compte de la nature et de la situation de l’opération projetée, la cour a commis une erreur de droit. En effet, il résulte des dispositions de l’article L 332-8 que, pour leur application, l’extension ou le renforcement du réseau de distribution d’électricité nécessaire à l’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile est susceptible d’être regardé comme ayant le caractère d’un équipement public exceptionnel eu égard, d’une part, à la nature de l’opération, qui répond à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, d’autre part, à sa situation d’éloignement des zones desservies en électricité.
Réglant l’affaire au fond après avoir cassé l’arrêt de la cour, le Conseil d’Etat constate que l’alimentation en électricité du projet, situé dans un secteur éloigné des parties urbanisées de la commune, exigera des travaux d’extension du réseau électrique, notamment un renforcement du réseau aérien sur 520 m et une extension de 235 m jusqu’à la limite de propriété. Il en conclut que cette extension doit être regardée comme un équipement public exceptionnel au sens de l’article L 332-8 du Code de l’urbanisme, dont la réalisation est rendue nécessaire par le projet et dont le coût est, par suite, susceptible d’être mis à la charge des sociétés pétitionnaires. Dès lors que celles-ci s’étaient engagées à prendre en charge ce coût, le maire ne pouvait légalement s’opposer à la déclaration préalable sur fondement de l’article L 111-11 du Code de l’urbanisme.
à noter : L’arrêt commenté éclaire la portée des articles L 111-11 et L 332-8 du Code de l’urbanisme.
L’article L 111-11 impose à l’autorité compétente de refuser l’autorisation d’urbanisme pour un projet impliquant une extension des réseaux publics si elle n’est pas en mesure de préciser les conditions dans lesquelles cette extension sera réalisée. Pour opposer un refus, le maire ne peut pas se borner à dire qu’il n’est pas dans l’intention de la commune de procéder à l’extension requise. Il peut en revanche faire valoir qu’elle se heurtera à un obstacle matériel ou qu’elle entraînera un coût excessif. Mais, comme l’arrêt le souligne, ce second motif, d’ordre financier, ne peut pas être mis en avant si le coût peut légalement être mis à la charge du pétitionnaire, qui accepte de l’assumer.
On est ainsi renvoyé à l’article L 332-8, qui permet de mettre à la charge du pétitionnaire le coût d’équipements publics exceptionnels rendus nécessaires par le projet. En l’espèce, la cour administrative d’appel avait relevé que le projet ne présentait pas « une importance particulière ». Mais la notion d’équipement « exceptionnel » ne renvoie pas à l’importance du projet de construction ou de l’équipement public à réaliser, mais au fait que c’est le projet et lui seul qui rend cet équipement nécessaire. Si, en effet, il s’imposait indépendamment du projet, il ne serait pas justifié d’en faire assumer le coût par le pétitionnaire. S’agissant plus particulièrement des installations relatives aux communications électroniques, le Conseil d’État estime, à la lumière des travaux préparatoires de la loi Élan du 23 novembre 2018 qui a mentionné ces installations à l’article L 332-8, que le coût de l’extension du réseau électrique rendue nécessaire par le lieu d’implantation d’une installation de téléphonie mobile peut être mis à la charge du porteur du projet.
© Lefebvre Dalloz